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Les 100 jours au pouvoir du gouvernement du président Patrice Talon n’ont pas laissé indifférents les Béninois de la Diaspora. Le professeur Désiré Baloubi, Titulaire de Chaire, chef de Département à l’Université de Shaw aux Etats-Unis saisit l’occasion pour exprimer ses « vœux d’audace » au chef de l’Etat. Actuellement au pays, comme c’est le cas chaque Eté depuis des années, il ne s’est pas empêché de rappeler quelques défis et tracer des pistes surtout en ce moment où le débat qui cristallise les attentions est la réforme constitutionnelle et institutionnelle. Lire sa réflexion.
Il fallait être dans le secret des dieux pour le savoir; sinon, très peu s’y attendaient. Au Bénin comme à l’étranger, l’élection de M. Patrice Guillaume Athanase Talon, le 20 Mars 20016, a pris les uns au collet et au dépourvu pendant qu’elle a réconforté les autres dans leur position et leur volonté inébranlable de voir le passé récent définitivement révolu. Ainsi, diront les latins, “alea jacta est”. En d’autres termes, les dés sont jetés, le vin est tiré et ensemble nous devons le boire, qu’il soit aigre, sucre ou amer. Et c’est de cela qu’il s’agit, car en tant que peuple mur et surtout soucieux de l’avenir de notre cher et beau pays, le Bénin, nous devons assumer pleinement nos responsabilités désormais avec beaucoup plus d’ardeur et plus de ferveur.
Cent (100) jours déjà que le Bénin a ouvert une nouvelle page de son histoire sur laquelle deux concepts fondamentaux sont gravés en lettres d’or: Rupture et Nouveau départ. Ces concepts, comme nous nous en doutons, s’inscrivent dans le cadre de la poursuite de l’enracinement de la démocratie et la réalisation de ce que j’ai commencé à appeler “le Rêve Béninois” à l’instar de “American Dream” aux Etats-Unis, de l’autre côté de l’Océan Atlantique. Je formule donc mes vœux d’audace et de sagesse au Président Patrice Talon, en particulier, et à l’équipe dirigeante en général. Aussi voudrais-je profiter de cette occasion pour rappeler les défis et paradoxes de notre démocratie qu’une éducation de tous pour tous pourrait nous aider à éradiquer. Ces défis et paradoxes se révèlent au niveau de l’application des principes cardinaux de la démocratie en tant qu’option politique, modèle de gestion et de gouvernance de la République.
Principe de “Gestion du Pouvoir par la Majorité et les Droits de la Minorité”
A ce niveau, au Bénin, en raison du bas taux d’alphabétisation de nos populations surtout en Français, langue officielle de travail, et même dans nos langues nationales, l’élite minoritaire anime la vie politique pendant que le peuple profond majoritaire observe et suit des consignes.
Principe des «Rapports entre Civils et Militaires »
Selon ce principe, les forces armées, la gendarmerie et la police sont chargées de la défense, de la protection et de la sécurité de la nation et entretiennent avec elle de bonnes relations dans un climat de confiance et de collaboration sincère. Sur ce plan, le gouvernement de la Rupture et du Nouveau Départ a un grand défi a relever.
Principe de «Partis Politiques»
Les partis politiques sont chargés de l’animation permanente de la vie politique dans un système où les partis gagnants ou majoritaires exercent le pouvoir d’état, pendant que les partis minoritaires sont de la mouvance ou de l’opposition mais participent tous à la gestion de la République. Outre leur choix pour l’opposition ou la mouvance, les partis politiques se démarquent de par leurs projets de sociétés et surtout par rapport à une idéologie sociopolitique et économique qui leur est propre. Or très peu de partis ont effectivement une idéologie et un projet de société bien définis et connus de tous et comment se créent et se gèrent les partis politiques constitue l’autre défi majeur. Un autre défi est lié aux responsabilités citoyennes.
Principe lié aux «Responsabilités Citoyennes»
Ici les réformes politiques et institutionnelles que prônent le gouvernement de la Rupture et du Nouveau Départ doivent contribuer à la vulgarisation des lois relatives aux droits et devoirs de tous les citoyens et surtout de la majorité écrasée sous le poids de l’analphabétisme. Mais au-delà des efforts concrets d’alphabétisation, il faudra donner un souffle nouveau à l’éducation nationale et institutionnaliser l’instruction civique au regard de l’insuffisance criarde de l’amour pour la patrie et de l’esprit d’abnégation au service de notre peuple.
Principe de «Presse libre et Indépendante»
Nous devons lutter en permanence pour garantir une presse libre, indépendante et responsable, car il n’y a jamais de liberté durable sans responsabilités conséquentes. De Daho-Express àEhuzu, Kpanlingan, La Nation et aujourd’hui une kyrielle de quotidiens et hebdomadaires privés beaucoup de pas ont été franchis. De la radio unique à l’Ortb, radio et télé d’Etat, Canal 3, Golfe Tv Africa, Sikka et Eden Tv ainsi que d’autres médias privés, on peut se réjouir de la diversité. Cependant, on n’a pas fini de craindre les poursuites judiciaires, la suspension ou la fermeture. L’Etat doit donc veiller au respect strict de ce principe sacré et les agents de nos médias doivent se professionnaliser davantage pour mériter la confiance de l’Etat et du peuple tout entier dans un Etat de droit créé à partir de la Conférence nationale et de la Constitution de décembre 1990.
Principe de “L’Etat de Droit”
L’Etat de droit est un principe fondamental. Nul n’est au-dessus de la loi et nul n’est sensé ignorer la loi. On est citoyen et bon citoyen seulement lorsqu’on comprend cela. Riche ou pauvre, politicien, avocat de son Etat, militaire ou civile, l’observance de la loi s’impose à tous. L’on doit veiller à ce qu’il en soit ainsi au Bénin. C’est à ce prix que nous pourrons bannir la corruption pandémique, l’impunité, le népotisme, le régionalisme et l’ethnocentrisme. Nous devons devenir une nation qui se respecte et respecte ses propres lois.
Principe des «Droits de l’Homme»
Les droits inviolables de tous les êtres humains : hommes, femmes, enfants et filles de nos villes et campagnes. Les femmes malheureusement dans nos sociétés ne jouissent pas encore pleinement de leurs droits. Il y en a qui sont enfermées dans les couvents, qui sont mariées contre leur volonté, qui sont condamnées à choisir entre le célibat et la vie dans des foyers ancrés dans la polygamie. Le trafic des enfants, les « vidomegon » et que sais-je encore?
On ne saurait également oublier les droits des prisonniers. Pourrait-on passer à la loupe les conditions de vie des populations incarcérées et le traitement auquel ils sont soumis. De l’arrestation au verdict final devant une justice libre et équitable, il y a de quoi éclairer la lanterne de nos paisibles populations.
Principe du «Pouvoir Exécutif»
Ce pouvoir est-il véritablement et uniquement exécutif? N’influence-t-il pas les autres institutions de l’Etat si le gouvernement nomme unilatéralement leurs présidents : Cour Suprême, Cena, Haac et autres? C’est certainement ces inquiétudes qui justifient les efforts du gouvernement du Président Talon dans le sens des réformes qu’il propose.
Principe du «Pouvoir législatif »
Le législatif qui représente toutes couches de la nation, tout au moins toutes les régions administratives est-il réellement représentatif si les plus grands absents sont les 90% des populationsde nos villages et campagnes qui demeurent analphabètes dans la langue coloniale française? A ces populations, l’Etat doit tendre une oreille attentive afin que leurs profondes aspirations soient prises en compte et que justice soit faite en faveur des intérêts suprême de notre pays.
Principe du «Pouvoir judiciaire indépendant»
La justice au Bénin est-elle véritablement libre et indépendante? Joue-t-elle effectivement son rôle d’arbitre et de garant des libertés individuelles et collectives? Est-elle gangrenée par la corruption, le népotisme et autres maux qui l’étouffant? C’est à cet exercice de questionnement que devront s’employer les citoyens béninois ainsi que le gouvernement de la Rupture et du Nouveau Départ pour prévenir et sanctionner les délits et crimes de tous genres.
Free and Fair Elections/Des Elections libres et transparentes
Les élections depuis l’avènement du renouveau démocratiques sont-elles libres et transparentes? Lorsqu’on jette un regard sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales, il constitue l’un des plus grands défis a relever au Bénin et en Afrique en général. Dans ce domaine précis au Bénin et en Afrique, la démocratie semble marcher à la renverse. En Occident, les campagnes électorales sont financées par des compagnies, des groupes organisés ainsi que des individus. Au Bénin, comme presque partout en Afrique, ce sont les électeurs, des groupes organisés et peut-être des compagnies qui reçoivent de l’argent en contrepartie du vote qu’ils accordent aux candidates et candidats. Cette pratique très peu recommandable n’est rien d’autre que l’achat des conscience qui mérite d’être banni à jamais.
Principe relatif aux «Droits des femmes et des filles»
En matière de droits des femmes et des filles, on est passe du célèbre Article 124 de la Constitution de l’ère ‘révolutionnaire’ au concept de parité entre hommes et femmes avec le Renouveau Démocratique. Au fait, c’est plutôt des droits inaliénables qu’il s’agit et non des revendications de la gent féminine.
Les grands défis ont pour noms ‘le mariage arrange, précoce et forcé’, ainsi que la polygamie dans un système patriarcal abusif. Il y a aussi les « vido me gon » qui sont encore légion et il existe toujours des régions de notre pays où les filles n’ont pas le droit d’aller à l’école. Même si ce droit leur est accordé, les écoles ne sont pas toujours à la portée de la bourse de leurs géniteurs.
Principe du “Rôle des Organisations non gouvernementales”
C’est de la veille citoyenne qu’il s’agit et cela ne saurait réussir sans la participation de l’écrasante majorité encore analphabète qui doit hélàs compter seulement sur la bonne foi des « akowé » ou des Ong qui ne sont pas toujours au service des intérêts de notre pays et de son peuple.
Voilà donc autant de paradoxes et de défis à relever et de rudes pentes abruptes à remonter. Il incombe alors désormais à chacun et à tous le devoir patriotique d’apporter une contribution aussi modeste soit-elle à la Rupture et au Nouveau Départ pour que dote d’une boussole infaillible, le Bénin prospère et se hisse résolument au rang des nations de paix, de liberté, de justice et de développement durable. Le Président Patrice Talon et son gouvernement avancent audacieusement dans cette direction et nous devons les encourager et les accompagner dans les actes que nous posons au quotidien.
Par le Prof Désiré BALOUBI